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Tilafushi, la face cachée des Maldives
Tilafushi : le dépotoir des Maldives, ou la face cachée du paradis...
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"Veuillez vous abstenir d'utiliser un langage ordurier" dit un poster dans un café de Tilafushi... Une directive qui laisse rêveur quand on considère la nature de l'île.
Tilafushi est à des milliers de kilomètres des magnifiques plages de sable blanc et des villas sur pilotis, seule image que les brochures vantent, et unique image que les touristes de passage garderont avec celles de plongées exceptionnelles.

Ici, des montagnes de poubelles cachent le ciel bleu : plastiques, boites de conserve, vieux bidons rouillés d'huiles usagées, carcasses de deux roues, épaves de bateaux, à perte de vue (au sens "propre", pas au figuré).
A la différence de la plupart des "resorts" (hôtels), les seuls visiteurs de cette île sont les nuages de mouches qui vrombissent autour de nous, et les travailleurs Bangladeshi qui se déplacent dans ce bouillon infâme et bravent les fumées nauséabondes pour brûler les tonnes de déchets qui arrivent sur cette île tous les jours.

Nous sommes venus sur cette île par hasard, pour y voir le chantier naval dans lequel nous pensions venir avec le bateau pour y faire vidanger un réservoir de fuel et le faire nettoyer. Après avoir vu ça, nous en sommes partis dégouttés, sans voix, et nous avons décidé de nous débrouiller tous seuls, de "polisher" (nettoyer en le filtrant) notre fuel nous même et nettoyer la cuve par nos propres moyens, sans tout déverser "en vrac" à la poubelle.

Comme le soulignait Anthu, une habitante de Malé avec qui nous avons longuement discuté, les Bangladeshi font le sale travail que les Maldiviens n'accepteraient jamais de faire -on a déjà entendu ça d'autres nationalités dans d'autres pays... Ce n'est nulle part aussi flagrant que sur Tilafushi, l'île dépotoir.

Les poubelles semblent jaillir de l'île. C'est en fait le contraire: l'île nait des déchets. Car elle a été pour sa majeure partie créée à partir des déchets générés par Malé, la capitale, et par tous les hôtels de luxe de l'atoll de Malé, le plus peuplé des Maldives.
L'île a été "créée" vers 1990, solution au problème incontrôlable des poubelles de Malé. Depuis, l'île est passée du statut de beau lagon de 7 km à celui d'immense dépotoir à ciel ouvert, au rythme hallucinant d'un mètre carré par jour!
Sentant un potentiel économique certain, le gouvernement a décidé d'utiliser cette "nouvelle île" pour la louer à des fins industrielles. Du terrain a donc été "fabriqué", en recouvrant les immondices avec de l'agglomérat de corail dragué ici et là (donc en détruisant de petits atolls et hauts fonds où la vie sous-marine se développait). Dessus, toute l'industrie "lourde" s'est implantée, sans soucis de pollution, la base étant elle même une concentration de déchets. Un peu plus ou un peu moins de toxines, quelle importance...
Maintenant, on voit ici et là des carcasses de bateaux, des futs d'huile ou d'autres liquides toxiques, qui pourrissent et suintent de toutes leurs pores.
Sur un grand terrain sans fossé de protection/surverse, des compacteurs compressent des tonnes de "junk" qui seront ensuite revendues en Inde. Chaque tonne de métaux en tous genres compactés sans être dépollués au préalable rapporte près de 200 US$...

L'île a grandi en de telles proportions qu'il a fallu y créer des dortoirs pour les Bangladeshi, ainsi que quelques cafés, deux mosquées, un coiffeur, une clinique, un poste de police, et très bizarrement une espèce de zoo ou quelques rats et charognards faméliques errent sans visiteurs pour les plaindre.

Je me suis laissé dire que la municipalité de Malé collectait les poubelles, et les triait avant de les envoyer sur Tilafushi par barges. Personnellement, j'ai de sérieux doutes sur la chose, ayant vu les camions chargés de poubelles embarquer à Malé, et débarquer à Tilafushi. On voyait nettement que tout était mélangé: déchets domestiques bien sur, mais également composants électroniques avec leur lot de métaux lourds et toxiques, huiles de vidange, filtres à huile et à gazoil de tous les bateaux, plastiques imputrescibles, etc., etc.

Les environnementalistes du monde ont bien du pain sur la planche!

Pour autant que nous en avons vu, et à en croire Anthu très impliquée dans la lutte écologique et la formation des jeunes Maldiviens, les déchets électroniques ne sont absolument pas triés, mais bel et bien brulés avec tout le reste. Nous avons d'ailleurs quasiment suffoqué dans la fumée dégagée par la décharge lorsque nous sommes allés visiter ce chantier naval.

Il est prouvé depuis longtemps que les déchets toxiques comme les composants électroniques, les batteries etc. contiennent du mercure, du cadmium et du plomb, tous des composants chimiques qui se diluent dans l'environnement au contact de l'eau, ou en brulant.
Tous ces produits chimiques sont largués ici, et y restent pour toujours, se diluant dans l'écosystème, dans les récifs alentour, et bien sur dans les poissons qui y vivent, et dont se nourrissent barracudas, thons, marlins, mérous etc., dont se nourrissent à leur tour les habitants de Malé (et les touristes des hôtels de luxe, soit dit en passant...) .
On ne parle pas ici d'une décharge sur la terre ferme, mais d'une décharge directement dans un lagon, donc dans l'eau. Quand on a vu la force des courants marins ici, qui vont dans un sens puis dans l'autre au gré des marées, on n'ose pas penser à la qualité de l'eau à des miles alentour!
Et apparemment, le gouvernement n'a pas encore admis le problème. Il se trouve encore des imbéciles ou des inconscients qui pensent que tout ça est dilué dans l'intégralité de l'océan, et que donc cela n'a pas grande influence sur la vie des habitants de l'archipel.
Absolument hallucinant au 21è siècle...

Bien sur, j'entends déjà les commentaires des trois singes (celui qui n'entend pas, celui qui ne voit pas, et celui qui ne parle pas)
"C'est un pays pauvre, ils ne peuvent traiter leurs ordures comme les pays riches peuvent le faire..."

Argument fallacieux facilement réfutable :
Dans les pays "riches", les compagnies produisant des consommables à forte toxicité (informatique, piles, batteries etc.) obligent les producteurs à récupérer gratuitement les objets polluant et à les recycler. Pourquoi pas ici?
Dans les pays "riches", on recycle le verre, les plastiques, le papier... Pourquoi ne pas faire une campagne de sensibilisation des habitants, et leur donner les moyens de recycler par le tri sélectif? Ce tri sélectif serait ensuite soit vendu aux pays équipés, soit leur traitement serait financé par un des pays qui donnent régulièrement des millions au gouvernement des Maldives pour des projets certes utiles mais d’une importance vraiment secondaire par rapport à ce problème.
J'ai vu des ados comme des adultes jeter par la fenêtre du ferry leur bouteille en plastique ou leur canette de coca. D'un ado à qui j'en faisais la remarque, j'ai reçu un regard d'abord surpris qu'on puisse lui reprocher ce geste, puis presque agressif du genre « de quoi je me mêle, retourne chez toi si ça ne te plaît pas ».
Un minimum d'éducation éviterait ça, ce n'est pas compliqué.
L'éducation n'est pas une question de « riche ou pauvre », c'est une question de prise de conscience. Et pour l'instant j'ai l'impression que la priorité n'est pas là, malheureusement. Et ce ne sera pas la priorité tant que les touristes continueront à venir ici en ignorant (volontairement ou non) cette réalité.

François et moi avons passé 4 heures sur cette île-poubelle, 4 heures que nous ne sommes pas prêts d'oublier, et dont nous n'avons pas fini de parler autour de nous.

Une petite recherche sur Internet m'a confirmé une partie de ce que nous (et vous certainement) savions déjà :
Le papier imprimé, non plastifié, met de 2 à 4 mois à se désagréger dans l'eau ou l'air
Une peau d'orange : 6 mois
Un filtre de cigarette : un à deux ans
Des chaussures en cuir : de 25 à 40 mois
Un sac en plastique : jusqu'à 20 ans!
Une boite de conserve en alu avec son intérieur plastifié : 80 à 100 ans!!
Une bouteille en verre : UN MILLION D'ANNEES!!!
UNE BOUTEILLE EN PLASTIQUE : c'est indéterminé, on n'a pas assez de recul...
Lorsque vous voyez une bouteille en plastique toute maronâtre, un peu cassée, vous pensez qu’elle sera bientôt désagrégée et dissoute? Pas du tout. Elle perd sa forme de bouteille, et se désagrège en millions de petites particules, qui elles, ne disparaissent pas mais se regroupent dans un de ces gigantesques vortex de détritus dont je parlais lors du convoyage de Melina…

 
 
 
 
 
 
 

 

 


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